Des faiblesses dans l’interprétation d’études précliniques pourraient susciter des attentes trop élevées quant aux bienfaits potentiels de nouveaux médicaments
Voilà un scénario bien connu : des chercheurs annoncent la découverte d’un médicament qui éradique une maladie chez l’animal. Quelques années plus tard, le médicament essuie un cuisant échec à l’issue d’essais cliniques chez l’humain. Dans le plus récent numéro du journal PLoS Medicine, Jonathan Kimmelman, éthicien expert et professeur agrégé rattaché à l’Unité d’éthique biomédicale et au Département de sciences sociales en médecine de l’Université McGill, et Alex John London, professeur agrégé de philosophie à l’Université Carnegie Mellon, soutiennent que ce modèle de succès et d’échec est possiblement attribuable à la façon dont les chercheurs prédisent les résultats de leurs travaux durant les étapes préliminaires du développement d’un médicament.
« Un assez bon travail est réalisé lorsqu’il s’agit de prévoir le taux de réussite d’interventions qui évolueront à une étape plus avancée de la recherche clinique. Cependant, lorsqu’il s’agit de faire le pont entre les études chez l’animal et les essais cliniques chez l’humain, nous faisons face à d’importants problèmes », a reconnu le professeur London, également directeur du Centre de recherche en éthique et politiques de l’Université Carnegie Mellon.
Les professeurs Kimmelman et London suggèrent qu’il est possible que l’interprétation de résultats précliniques soit sujette à une certaine forme de myopie, c’est-à-dire qu’en se concentrant trop étroitement sur les résultats obtenus au stade préclinique, elle donne lieu à des prévisions démesurément optimistes.
« De toute évidence, il nous faut nous pencher sur les résultats précliniques lors de l’évaluation des effets favorables et défavorables d’une nouvelle intervention chez l’humain. Mais il nous faut également étudier les résultats qu’ont générés des interventions similaires par le passé. Dans le cas où le développement d’un médicament agissant selon le même principe s’est révélé un échec, il sera alors fort judicieux de modérer les attentes », a précisé le professeur London.
Les professeurs Kimmelman et London s’interrogent également sur les efforts déployés par les chercheurs quant à la réduction des facteurs qui nuisent à la mesure des véritables effets d’un médicament. Ils suggèrent que certaines des techniques utilisées, dont l’échantillonnage aléatoire et l’essai à l’aveugle, soient également déployées lors de l’étape préclinique. « Les chercheurs médicaux déploient d’importants efforts afin de réduire la distorsion des prévisions lors d’essais cliniques menés chez l’humain. À notre avis, si les mêmes normes étaient respectées par les chercheurs qui évaluent l’effet de médicaments chez les animaux, cela donnerait lieu à des balises plus précises lors de la mise au point d’essais chez l’humain », a indiqué le professeur Kimmelman.
Selon les données de l’étude, l’adoption par les chercheurs des recommandations émises par les professeurs Kimmelman et London quant à l’amélioration des moyens de prévoir les résultats d’essais précliniques, dotera les participants, les fabricants de médicaments et les organismes de financement de moyens davantage appropriés pour la prise de décisions informées quant à l’évaluation clinique.
« Les essais précliniques sont utiles, car ils sont la première étape à franchir avant de préciser si un nouveau médicament est prometteur sur le plan clinique. Nous sommes d’avis que nous pouvons et devons faire plus afin de nous assurer que les prévisions en matière d’activité clinique soient fondées sur des preuves scientifiques qui soient à la fois plus exhaustives et plus solides », a conclu Jonathan Kimmelman.
La recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.
Les professeurs Kimmelman et London entreprennent des nouvelles recherches sur la qualité et les résultats d’études à l’égard de médicaments, lors de la progression du stade préclinique à celui d’essais cliniques. L’équipe bénéficie d’un soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada.
Sur Internet : http://www.plosmedicine.org/home.action
Source : Katherine Gombay – Université McGill
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