Des généticiens dévoilent le fonctionnement de trois gènes qui contrôlent le développement et la croissance cellulaires
MONTRÉAL, le 1 mars 2011 – En travaillant avec des Canadiens d’ascendance française qui souffrent d’une maladie génétique rare, des chercheurs ont découvert comment trois gènes contribuent à une croissance anormale, réalisant une percée qui améliorera notre compréhension de plusieurs désordres, notamment le retard de la croissance fœtale et infantile, le développement anormal de parties du corps et le cancer. « Grâce au Projet génome humain, nous connaissons l’identité fondamentale de pratiquement tous les gènes du corps humain, mais nous ne connaissons pas nécessairement leur rôle précis », a expliqué le chercheur en chef, le professeur Mark Samuels, du Département de médecine de l’Université de Montréal et du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. « C’est comme soulever le capot de votre voiture et voir les pièces, mais sans savoir laquelle fait quoi. Toutefois, quand une pièce brise, on apprend comment elle s’intègre au reste de la machine. Le fait de travailler avec des personnes qui éprouvent des problèmes précis de santé ou de développement en lien avec des gènes spécifiques nous permet de constater comment ces gènes contribuent au développement et au fonctionnement de notre corps. »
Dans le présent cas, l’équipe de chercheurs a caractérisé le fondement moléculaire chez des patients souffrant du syndrome de Meier-Gorlin, un désordre rare qui se distingue par une petite taille, de petites oreilles et des rotules absentes ou sous-développées. Les patients étaient en majorité francophones, originaires des Maritimes, du Québec, de la Colombie-Britannique ainsi que de la communauté cajun de la Louisiane. Le syndrome de Meier-Gorlin est un désordre génétique simple classique, ce qui signifie qu’il est relié à des mutations des gènes individuels, bien que, dans le cas de ce syndrome, différents patients semblent curieusement présenter des mutations de l’un de trois différents gènes.
Les gènes sont appelés ORC1, ORC4 et CDT1, et on leur reconnaît un rôle essentiel dans la juste reproduction de l’ADN. Les cellules se reproduisent en se scindant en deux. Tous les chromosomes doivent aussi être dupliqués. Ce processus est étroitement contrôlé pour éviter d’avoir trop ou trop peu de copies de grands segments du génome. « Il semble que ce soit le premier exemple de toutes les mutations transmises et survenant naturellement, identifiées dans ce groupe de gènes régulateurs présent chez tous les mammifères. La découverte des gènes est un excellent exemple de la valeur de ce genre de recherche », a déclaré le professeur Samuels. « Nous découvrons la cause de la maladie et nous augmentons nos connaissances sur notre fonction cellulaire. Toutefois, il nous reste encore beaucoup à apprendre sur les raisons pour lesquelles les mutations de ces gènes ont des conséquences spécifiques chez les patients atteints du syndrome de Meier-Gorlin. »
La séquence génétique humaine compte de 20 000 à 25 000 gènes, et il est important de noter que chacun ne correspond pas nécessairement à une fonction ou à un groupe de fonctions spécifique, non plus qu’à une seule maladie. Le même gène peut avoir des effets subtils sur un certain nombre de fonctions corporelles. En outre, dans les cas de maladies génétiques complexes, le diabète, par exemple, l’environnement et le mode de vie ont un impact sur la santé aussi important sinon plus que les antécédents génétiques d’un individu.
Mark Samuels insiste : « Il est important pour le grand public que l’on comprenne les conditions génétiques rares, comme le syndrome de Meier-Gorlin, pour deux raisons. La première, c’est qu’elles fournissent des renseignements sur la manière dont nos gènes, et par conséquent notre corps, fonctionnent. La deuxième, c’est que, bien que peu de personnes soient touchées par chaque désordre en particulier, au total, tous les patients souffrant de troubles génétiques consomment une part substantielle des ressources en santé, et qu’en les diagnostiquant plus rapidement, nous pouvons améliorer leur traitement et réduire la pression sur le réseau de soins de santé. » Des travaux de recherche permettent de penser que jusqu’à 70 pour cent des admissions aux hôpitaux pédiatriques pourraient être reliées à une certaine forme de désordre génétique. « Il est par ailleurs important de noter que, derrière la science et les statistiques, se trouvent de vraies personnes qui souffrent. Le soulagement est immense pour les patients et leurs familles lorsqu’un diagnostic clair est finalement établi », ajoute le professeur Samuels.
Coïncidence rare, une équipe concurrente de chercheurs a obtenu des résultats similaires sur le syndrome de Meier-Gorlin chez un groupe différent de patients. Ces découvertes ont été publiées dans le même numéro de Nature Genetics. Mark Samuels fait remarquer : « Aucune des équipes ne peut réclamer la priorité absolue de la découverte. Toutefois, c’est de cette manière que la science fonctionne à son meilleur : quand des résultats importants sont rapidement et indépendamment vérifiés par plusieurs équipes. »
Les travaux canadiens ont été effectués dans le cadre d’un engagement à long terme envers la recherche sur les maladies génétiques rares par l’Initiative de génétique médicale et de génomique de la région de l’Atlantique (AMGGI). Les résultats ont été publiés dans Nature Genetics par des chercheurs de l’Université Dalhousie, le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de l’Université de Montréal, l’Université de Louisiane et l’Université de Colombie-Britannique. Le projet de l’AMGGI est financé par le Gouvernement du Canada par l’intermédiaire de Génome Canada et Génome Atlantique, ainsi que par un grand nombre d’organismes, notamment l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, le Fonds d’innovation de l’Atlantique, l’Université Dalhousie, Capital Health et la Fondation IWK. On peut consulter la liste complète sur le site Internet de Génome Atlantique.
Source: William Raillant-Clark – Université de Montréal
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