Bien qu’à l’abri de tout germe infectieux dans le ventre de leurs mères, les foetus développent spontanément, « par avance », un système de défense immunitaire, paré à répondre dès leur naissance à la colonisation bactérienne de leur tube digestif. Cette surprenante observation de chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS montre également que ce dispositif est ensuite capable de réguler son activité antibactérienne pour laisser s’installer la flore commensale de l’intestin, et établir l’équilibre indispensable entre les bactéries et le système immunitaire. Une découverte qui apporte un nouvel éclairage pour la compréhension des mécanismes à l’origine des maladies auto-immunes, comme la maladie de Crohn. Ces travaux sont publiés dans Nature Immunology.
Avant sa naissance, dans les conditions stériles du ventre de sa mère, un foetus n’est normalement exposé à aucun agent infectieux. Les scientifiques pensaient donc que ses défenses immunitaires ne se constituaient qu’à compter du début de sa vie ex utero, au contact des germes –bactéries, virus, champignons…– de l’environnement. Or, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS (unité Développement des tissus lymphoïdes) viennent de montrer, chez l’animal, que le fœtus possède en réalité un arsenal immunitaire qui s’exprime fortement et spontanément, bien avant la naissance.
Les scientifiques ont découvert que, de manière étonnante, ce système fait intervenir des globules blancs particuliers, appelés ILC , issus de la famille des lymphocytes. Or, contrairement aux lymphocytes « classiques », ces cellules, découvertes très récemment, agissent comme des acteurs de l’immunité innée, et non de l’immunité acquise : elles ne sont spécifiques d’aucun agent pathogène.
Après la naissance, certaines bactéries doivent cependant coloniser progressivement le tube digestif pour constituer notre flore intestinale endogène, indispensable à notre développement, notre santé et nos fonctions de nutrition. Les scientifiques ont démontré que les ILC sont alors capables de modérer leur action antibactérienne, et de réguler la mise en place de cette flore bénéfique. Elles supervisent ensuite sa prolifération qui, sans contrôle, pourrait devenir pathogène.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS sont parvenus à identifier les mécanismes cellulaires de cet équilibre. Ils ont en effet montré que lors d’une infection, les ILC agissent en émettant deux molécules messagères pro-inflammatoires appelées interleukines 17 et 22. Celles-ci ordonnent aux cellules épithéliales de l’intestin de produire des petites protéines bactéricides, pour détruire les bactéries avant qu’elles ne franchissent la paroi intestinale. L’interleukine 17 active également le recrutement massif des globules blancs de type neutrophile, chargés d’éliminer les bactéries en les digérant. Lorsque la menace bactérienne est maîtrisée, ce système est réprimé.
L’activation non contrôlée des neutrophiles peut dans certains cas aboutir à la destruction accidentelle de tissus de l’organisme. Ce phénomène pourrait être à l’origine des maladies dites auto-immunes, comme la maladie de Crohn, dans laquelle l’inflammation chronique affecte l’intestin. La découverte des chercheurs contribue donc à mieux comprendre les régulations de l’équilibre entre les bactéries de notre intestin et le système immunitaire qui les contrôle, et apportent ainsi de nouveaux outils pour comprendre et traiter ces maladies.
Notes :
RORgammat+ innate lymphoid cells regulate intestinal homeostasis by integrating negative signals from the symbiotic microbiota, Nature Immunology, en ligne le 20 février 2011.
Shinichiro Sawa, Matthias Lochner, Naoko Satoh-Takayama, Sophie Dulauroy, Marion Bérard Melanie Kleinschek, Daniel Cua, James P. Di Santo and Gérard Eberl
Source: communiqué de presse du CNRS
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