Des scientifiques de l’Institut Pasteur ont montré chez le rongeur que, contrairement à ce que l’on pensait depuis toujours, le parasite du paludisme est capable de se développer et de produire des formes infectieuses non seulement dans le foie, mais également dans la peau. Cette découverte prouve que la peau n’est donc pas seulement pour le parasite un lieu de passage vers le foie, mais un site de développement à part entière, voire de persistance et de mise en place d’une réaction immunitaire complète. Il est donc possible d’y étudier et d’y suivre l’établissement de cette réponse immunitaire, ce qui pourrait faciliter l’évaluation de l’efficacité de différentes stratégies vaccinales.
Transmis à l’homme par le moustique Anophèle, le parasite du paludisme subit à l’intérieur de l’organisme un cycle de maturation complexe, notamment dans le foie puis le sang, provoquant ainsi cette terrible maladie, responsable dans le monde d’un à trois millions de décès par an.
Jusqu’à présent, la communauté scientifique pensait que les parasites injectés par le moustique dans la peau gagnaient très rapidement le foie. Celui-ci était considéré comme le seul site de l’organisme où ils devaient subir l’étape indispensable de leur transformation en parasites capables d’infecter les globules rouges. Or, les chercheurs de l’unité de Biologie et génétique du paludisme de l’Institut Pasteur, dirigée par Robert Ménard, viennent de mettre à mal ce dogme. Grâce à des techniques d’imagerie in vivo en temps réel développées au laboratoire , ils ont suivi chez la souris le devenir des parasites injectés dans la peau, et ont constaté que 50% d’entre eux y demeuraient. Dans 10% des cas, les parasites poursuivent même leur cycle de développement en forme infectieuse dans le derme, l’épiderme et les follicules pileux, sans passer par le foie.
L’équipe a également observé que le parasite pouvait, en association avec le follicule pileux, persister à long terme, c’est-à-dire plusieurs semaines, dans l’organisme. Cela correspond-il à un développement ralenti, ou plutôt à une forme de persistance dans un état « dormant », retrouvé par exemple chez Plasmodium vivax, un des parasites du paludisme infectant l’homme ? Si les chercheurs n’ont pas encore de réponse à cette question, il est cependant troublant de constater que cette persistance a lieu dans le follicule pileux, un des rares sites de l’organisme auquel le système immunitaire n’a pas accès… Ces parasites dormants pourraient expliquer certaines résurgences de la maladie, longtemps après l’infection. Les scientifiques de l’Institut Pasteur se penchent d’ores et déjà sur la compréhension de ce phénomène.
Au-delà de l’identification d’une niche secondaire de production des formes infectieuses, voire de persistance du parasite, cette étude a des implications immunologiques importantes. On sait en effet depuis quelques années que le ganglion drainant le site de piqûre est essentiel pour établir une protection contre la maladie. Or, le présent travail démontre que ce ganglion reçoit des antigènes provenant non seulement de la forme du parasite injectée par le moustique mais aussi de ses formes intracellulaires : la réaction immunitaire qui s’y met en place est donc complète. Celle-ci pourrait alors être suivie dans la peau et le ganglion drainant, beaucoup plus facilement que dans le foie, notamment pour étudier l’action et l’efficacité de possibles stratégies vaccinales.
Les chercheurs travaillent à présent à développer ces travaux en conditions « humaines », c’est-à-dire avec des parasites infectant l’homme et des souris « humanisées », chez lesquelles de la peau humaine a été greffée.
(1) voir communiqué de l’Institut Pasteur : http://www.pasteur.fr/ip/easysite/go/03b-00000k-020
Source: Institut Pasteur
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