Un groupe international de scientifiques, dirigé par Nicolas Dauphas (Université de Chicago) et comprenant notamment Mathieu Roskosz (Université Lille 1) et Laurent Remusat (CNRS/Muséum national d’Histoire naturelle), vient d’identifier des grains microscopiques issus d’une étoile proche de notre système solaire qui aurait explosé peu de temps avant sa naissance, il y a 4,5 milliards d’années. Les traces de cette supernova, trouvées dans la météorite d’Orgueil, renferment un excès de l’isotope 54 du chrome, excès retrouvé précédemment dans certaines météorites et non sur Terre. La découverte de ces grains présolaires suggère qu’une supernova a disséminé, de manière hétérogène, de fines particules riches en isotope 54 du chrome dans le nuage de gaz et de poussières qui a donné naissance à notre système solaire. Ce travail est publié aujourd’hui dans la revue The Astrophysical Journal.
On sait depuis 40 ans qu’une supernova (1) a probablement explosé il y a 4,5 milliards d’années déclenchant, en partie, la naissance du soleil. Les traces de l’existence passée d’aluminium 26 et de fer 60, deux isotopes radioactifs de courte durée de vie, trouvées dans les chondrites (2) mais pas sur Terre, l’attestent.
Dans ce contexte, les scientifiques pensaient que l’isotope 54 du chrome, tout comme les autres éléments chimiques et leurs isotopes, était réparti de manière homogène dans le nuage de gaz et de poussières qui s’est effondré pour donner notre système solaire. Or, dans les années 80, ils se sont aperçus que ce n’était pas le cas : les chondrites carbonées comportent un excès d’isotope 54 du chrome. Cet excès n’est pas observé sur Terre. Depuis cette découverte, les chercheurs tentent donc de comprendre comment cet excès de 54Cr a été incorporé dans certaines météorites et pas sur Terre. Les grains anormalement riches en 54Cr sont tellement petits qu’il était impossible de les identifier, jusqu’à très récemment. Aujourd’hui, les avancées technologiques permettent de d’étudier de telles nanoparticules.
Cette étude a commencé en 2002 lorsque Nicolas Dauphas a séparé des grains extraits de la météorite d’Orgueil en fonction de leur taille, en vue de leur analyse isotopique par sonde ionique. Ce travail s’est terminé seulement l’an dernier. Il aura fallu 3 semaines de traque des grains riches en 54Cr avec la nanosonde ionique NanoSIMS 50L installée au California Institute of Technology pour arriver à trouver des nanoparticules présolaires très riches en 54Cr. Après avoir imagé et mesuré près de 1500 grains isolés à partir de la météorite d’Orgueil, Laurent Remusat et Nicolas Dauphas ont découvert un grain extrêmement riche en 54Cr. Cette surabondance de la masse 54 du chrome (par rapport aux autres isotopes du chrome) atteste que ce grain existait avant la formation du système solaire. En effet, la fabrication de chrome 54 nécessite un processus nucléaire, ce qui n’a pu avoir lieu, en milieu naturel, qu’avant la formation du système solaire.
Ces mêmes grains ont été étudiés en microscopie électronique à transmission à l’Université de Lille par Mathieu Roskosz et Julien Stodolna. Les grains les plus susceptibles de porter ces enrichissements en 54Cr ont un diamètre inférieur à 100 nm, soit 1000 fois plus fins qu’un cheveu humain. Ils sont parmi les plus petits grains présolaires décrits.
La découverte de ces grains présolaires suggère qu’une supernova a disséminé, de manière hétérogène, de fines particules riches en 54Cr dans le nuage de gaz et de poussières qui a donné naissance à notre système solaire. La dynamique du disque protosolaire a trié les grains en fonction de leur taille, conduisant à leur distribution non homogène dans les météorites et les planètes qui se sont formées autour du soleil. Ces données ne permettent pas encore aujourd’hui de déterminer quel type de supernova a permis la formation de ces grains riches en chrome 54 (3), mais l’étude d’autres isotopes, comme le calcium 48, pourra permettre de répondre à cette dernière question.
Notes :
(1) L’ensemble des phénomènes conséquents à l’explosion d’une étoile, qui s’accompagne d’une augmentation brève mais fantastiquement grande de sa luminosité. Vue depuis la Terre, une supernova apparait donc souvent comme une étoile nouvelle, alors qu’elle correspond en réalité à la disparition d’une étoile.
(2) Chondrite est un terme utilisé en astronomie pour désigner un certain type de météorites pierreuses (moins de 35 % de métal). Cette catégorie renferme les météorites les plus primitives et est elle-même divisée en plusieurs sous-groupes de météorites : notamment les chondrites ordinaires, les chondrites carbonées et les chondrites à enstatite.
(3) Ces isotopes ont pu être formés par une supernova de type II, résultat de l’effondrement du cœur d’une étoile massive ou une supernova de type Ia, résultat de l’explosion d’étoiles petites et très denses (des naines blanches).
Références :
Nicolas Dauphas, Laurent Remusat, James Chen; Mathieu Roskosz, Dimitri Papanastassiou, Julien Stodolna, Yunbin Guan, Chi Ma, and John Eiler. Neutron-rich chromium isotope anomalies in supernova nanoparticles. The Astrophysical Journal vol 720, Sept. 10, 2010.
Source: communiqué de presse du CNRS
glentir dit
Il y a longtemps que je crois à l’existence d’un supernova à l’origine de notre système solaire. Sinon comment expliquer la présence de fer dans nos globules rouges. De nombreux astrophysiciens ont évoqués cette hypothèse, il y a longtemps Albert DUCROCQ avait posé la question. Je me souviens d’une remise de thèse au muséum d’histoire naturelle, il y avait Yves COPPENS et le professeur TAQUET et CAVANNA ! L’auteur de la thèse se reconnaîtra, ce fait avait été évoqué.
Comme Jean Pierre LUMINET j’ai été marqué par l’astronomie populaire de Camille FLAMAMRION. Les éléments lourds sont nés de l’explosion d’étoiles géantes, l’étude des pulsars pourraient nous donner de précieux renseignements.