Comment Léonard de Vinci est-il parvenu à peindre des visages aussi parfaits ? Pour la première fois, une analyse chimique quantitative sans prélèvement a été effectuée sur sept tableaux du musée du Louvre (dont la Joconde) et révèle la composition et l’épaisseur de chaque couche de matière déposée par le peintre. L’étude montre que, dans le cas des glacis(1), des couches fines de 1 à 2 micromètres ont été appliquées. Menée par l’équipe de Philippe Walter du Laboratoire du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (LC2RMF, CNRS/Ministère de la culture et de la communication), avec la collaboration de l’installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF) et le soutien du musée du Louvre, cette étude est publiée le 15 juillet 2010 dans la revue Angewandte Chemie International Edition.
La peinture de Léonard de Vinci fascine par la subtilité des effets optiques qui donnent un effet artistique vaporeux qui estompe les contours, adoucit les transitions et fond les ombres comme une fumée. Baptisée « sfumato », cette technique picturale est non seulement le fruit du génie de l’artiste mais également le résultat des innovations techniques du début XVIe siècle. Si des observations minutieuses, des mesures optiques et des reconstitutions ont déjà décrit le sfumato, de nouvelles analyses tendent à confirmer le procédé notamment dans la façon dont sont rendus les dégradés.
Pour la première fois, l’équipe de Philippe Walter du LC2RMF (CNRS/Ministère de la culture et de la communication), en collaboration avec l’ESRF de Grenoble et le musée du Louvre, apporte un nouvel éclairage sur le sfumato grâce à une étude chimique quantitative des couches de peinture. Sept tableaux attribués à Léonard de Vinci ont été analysés sans prélèvement, directement dans les salles du musée du Louvre (L’Annonciation, La Vierge aux rochers, La Belle Ferronnière, Saint Anne, la Vierge et l’Enfant, La Joconde, Saint Jean-Baptiste,Bacchus). Les scientifiques se sont concentrés sur l’étude des visages car ils sont emblématiques du rendu pictural du sfumato. Ils ont utilisé la spectrométrie de fluorescence des rayons X(2) pour déterminer la composition et l’épaisseur de chaque couche de matière au niveau de neuf visages dont celui de Mona Lisa, peints par Léonard de Vinci sur 40 ans de carrière. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence plusieurs recettes employées par l’artiste pour réaliser les ombres sur les visages. Ces recettes sont caractérisées à la fois par une technique (emploi de couches de glacis ou d’une peinture très fine) et par la nature des pigments ou des additifs. Dans le cas des glacis, des couches fines de 1 à 2 micromètres ont été minutieusement appliquées pour atteindre une épaisseur totale ne dépassant pas 30 à 40 micromètres. L’ensemble des données obtenues lève un voile sur les recherches constantes de Léonard de Vinci dans le rendu du vivant de ses œuvres d’art.
Notes :
(1) Un glacis est une fine couche translucide, principalement organique, contenant peu de pigment. La superposition de glacis permet de créer profondeur et volume.
(2) La spectrométrie de fluorescence des rayons X est une méthode d’analyse chimique. Elle consiste à éclairer une zone du tableau avec des rayons X puis à recueillir d’autres rayons X (la fluorescence X) qui sont émis par la matière et qui sont eux, caractéristiques de la zone étudiée.
Références :
Revealing the sfumato technique of Leonardo da Vinci by X-ray Fluorescence Spectroscopy
Laurence de Viguerie, Philippe Walter, Eric Laval, Bruno Mottin, V. Armando Solé
Angewandte Chemie International Edition, 2010, 49.
Source: communiqué de presse du CNRS
Laisser un commentaire