Pour la première fois, une étude clinique montre que le mécanisme de l’ARN interférent, qui empêche l’expression d’un gène, permet de cibler des cellules cancéreuses chez l’humain.
Découvert à la fin des années 90, le mécanisme qui permet de réduire des gènes au silence est devenu un incontournable outil de laboratoire, notamment pour étudier les fonctions des différents gènes d’un organisme, végétal ou animal. Grâce à l’ARN interférent (ARNi), c’est le nom de cette molécule d’acide ribonucléique, on projette aussi de s’attaquer à des maladies en bloquant des gènes et en empêchant la fabrication de protéines néfastes.
Pour la première fois, une équipe a montré que ce mécanisme fonctionnait chez l’être humain, contre des cellules cancéreuses.
Les résultats obtenus en laboratoire avec l’ARNi sont probants mais passer à l’application clinique est complexe. Il faut pouvoir acheminer les ARN interférents jusqu’à la cible. L’équipe de Mark Davis (Caltech, Pasadena, États-Unis) a créé des nanoparticules, composées de deux polymères et d’une protéine, qui sont injectées dans le sang des patients et qui véhiculent un ARN interférent spécialement conçu pour s’attaquer à un gène des cellules de mélanome malin.
Des biopsies ont été pratiquées sur trois des quinze patients qui participent à cet essai clinique pionnier aux États-Unis. Les analyses des cellules de mélanomes ont révélé que les nanoparticules ont bien atteint les cellules cibles et que plus la dose injectée était élevée, plus la quantité de petits ARNi présents dans le mélanome était importante.
Second élément crucial: les ARNi ont fait le travail que l’on attendait d’eux, rapportent Davis et ses collègues aujourd’hui dans la revue Nature (AOP). Ces petits ARN double brin s’attaque à un autre ARN, dit messager, qui transporte les instructions indispensables à la cellule pour fabriquer une protéine à partir du code contenu par l’ADN. Les chercheurs ont justement retrouvé des fragments d’ARN messagers qui étaient coupés à l’endroit visé par l’ARN interférent.
Cette première étape clinique, conçue pour étudier la sécurité du traitement, montre pour la première fois que l’utilisation de l’ARNi est possible chez l’humain. Il faut encore établir que ce mode de traitement est efficace pour combattre le cancer et confirmer qu’il n’a pas d’effets secondaires indésirables.
Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives de lutte contre des protéines que les médicaments ne parviennent pas à neutraliser, faute d’un récepteur facile à cibler par exemple. En s’attaquant en amont à leur fabrication, l’ARN interférent offre une arme exceptionnelle.
Source: Cécile Dumas – Sciences-et-Avenir.fr
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