L’efficacité du médicament asparaginase E. coli varie en fonction des formes du gène ATF5
Le voile se lève sur une cause de résistance au traitement du cancer le plus fréquent chez l’enfant. Les patients atteints de leucémie lymphoblastique aiguë porteurs d’une forme particulière du gène ATF5 ont un risque plus élevé de subir une rechute s’ils sont traités au moyen d’asparaginase E. coli, médicament clé de la chimiothérapie de cette forme de leucémie. C’est ce que révèle une étude publiée dans Blood, la revue de l’American Society of Hematology par Dre Maja Krajinovic, chercheure au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine affilié à l’Université de Montréal.
L’équipe de Dre Krajinovic s’est penchée sur le cas de l’asparaginase, un des médicaments qui composent le « cocktail » de chimiothérapie administré aux jeunes patients durant la phase d’intensification du traitement.
Il a été observé que le traitement à l’asparaginase E. coli était associé à une augmentation des cas de rechute lorsqu’administré à des patients porteurs de polymorphismes ou « formes » particulières du gène ATF5. En effet, ce gène régule l’asparagine synthétase, une enzyme qui « fabrique » l’asparagine dont se nourrissent les cellules cancéreuses.
« En présence de ce polymorphisme qui, tel que nous l’avons démontré, modifie le taux de transcription du gène ATF5, il est possible que le médicament, plutôt que d’empêcher la prolifération des cellules leucémiques en réduisant le taux d’asparagine, induise une rétroaction qui, au contraire, amène les cellules cancéreuses à produire elles-mêmes l’asparagine en question », explique Dre Krajinovic.
La découverte d’une forme de gène associée à des taux accrus de rechute lors du traitement à l’asparaginase E. coli ouvre la porte à la possibilité de choisir le type de traitement pharmacologique en fonction du profil génétique du patient, approche qui s’inscrit dans la mouvance de la médecine personnalisée. « Si un test d’ADN détecte les polymorphismes incriminés chez un enfant, il sera possible de prévoir le risque de rechute ou d’effet secondaire », s’enthousiasme Dre Krajinovic. « En pareil cas, le clinicien pourra proposer un traitement de rechange, ou ajuster la posologie en conséquence. »
Depuis l’introduction de traitements de chimiothérapie combinant plusieurs médicaments, le taux de survie sans rechute des enfants a grimpé de façon spectaculaire à environ 80 %. Or, certains patients résistent toujours au traitement ou montrent des effets secondaires. Les stratégies de recherche en pharmacogénétique consistent à étudier en fonction des différents « profils génétiques » de malades la réaction à chaque médicament entrant dans la chimiothérapie, de manière à pouvoir établir des régimes thérapeutiques qui accroissent l’efficacité et réduisent les effets secondaires chez les patients. Dre Krajinovic a publié plusieurs études semblables portant sur l’antifolate, un autre médicament figurant parmi le groupe de médicaments utilisés en association dans le traitement de la leucémie lymphoblastique aiguë.
Détails de l’étude
L’étude a été publiée en ligne le 4 octobre 2011 dans la revue scientifique Blood et a été dirigée par la Dre Maja Krajinovic, chercheure au sein de l’axe Maladies virales, immunitaires et cancers du CHU Sainte-Justine, ainsi qu’au sein des Départements de pédiatrie et de pharmacologie de l’Université de Montréal. Le Dr Daniel Sinnett, chercheur au sein du même axe, a quant à lui dirigé avec Dr Krajinovic les expériences relatives à la fonction de différentes formes des gènes. Dr Sinnett est également auteur de maintes études portant sur les déterminants génétiques de la leucémie lymphoblastique aiguë, notamment une étude récente sur les cellules tueuses naturelles publiée en collaboration avec le Dr Ali Ahmad comme auteur principal. Cette dernière a été publiée dans le numéro du 4 août 2011 de la revue Blood et a fait l’objet d’un éditorial en soulignant l’originalité.
L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Société de leucémie et lymphome du Canada, la Fondation Charles Bruneau et le Fondation des Gouverneurs de l’espoir. Les Dr Maja Krajinovic et Daniel Sinnett ont également reçu des bourses de chercheurs nationaux du Fonds de recherche en santé du Québec dans le cadre de ces travaux. Les études fonctionnelles ont été en partie réalisées au sein du projet de Génome Québec et Génome Canada.
Liens:
- Profil de Dre Maja Krajinovic au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
- Profil de Dr Daniel Sinnet au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
- Résumé de l’étude intitulée «ATF5 polymorphisms influence ATF function and response to treatment in children with childhood acute lymphoblastic leukemia.»
À propos du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. Il réunit une équipe de plus de 1200 personnes, dont plus de 200 chercheurs et chercheurs cliniciens et 450 étudiants de cycles supérieurs qui font de la recherche fondamentale, clinique et évaluative en santé pédiatrique et maternelle. Axés sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus rapides et d’avenues prometteuses de médecine personnalisée, ses travaux s’inscrivent sous les axes de recherche Avancement et devenir en santé, Maladies du cerveau, Maladies musculo-squelettiques et sciences du mouvement, Maladies virales, immunitaires et cancers, Pathologies fœto-maternelles et néonatales et Santé métabolique. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand centre mère-enfant au Canada et l’un des quatre plus importants centres pédiatriques en Amérique. Pour en savoir plus, prière de visiter le www.chu-sainte-justine.org/recherche/
Source : William Raillant-Clark – Université de Montréal
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