Un programme spatial japonais a ramené sur Terre des poussières d’un astéroïde
Des chercheurs ont pu examiner pour la première fois la poussière rapporté par la sonde Hayabusa d’un petit astéroïde rocheux. Son analyse confirme ce que l’on soupçonnait depuis longtemps, à savoir que les météorites les plus courantes sur Terre, connues sous le nom de chondrites ordinaires, proviennent de ces astéroïdes rocheux dits aussi de type S. Et comme les chondrites font partie des objets les plus anciens du système solaire, cette découverte signifie aussi que ces astéroïdes ont été les témoins de la longue histoire des débuts du système solaire.
L’édition du 26 août de Science inclut six articles de recherche et un article Perspective qui présentent les premières études de la poussière de cet astéroïde. La revue Science est publiée par l’AAAS, l’association pour la science à but non lucratif.
La sonde Hayabusa a été lancée en 2003 par l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (JAXA) pour prélever des échantillons à la surface de l’astéroïde 25143 Itokawa proche de la Terre. L’engin automatique a atteint sa destination un peu plus de deux ans après et a pu effectuer deux contacts séparés en novembre 2005 avec la surface de l’astéroïde. Bien que l’appareil d’échantillonnage n’ait pas bien fonctionné, la sonde a quand même pu frapper la surface de l’astéroïde avec un cornet élastique de prélèvement et récupérer alors de petites quantités de poussières qui avaient été soulevées. La sonde Hayabusa, après être rentrée dans l’atmosphère terrestre et avoir atterri en Australie en juin 2010, a fourni de très petits échantillons qui ont pu être analysés en profondeur par différentes équipes de chercheurs.
« Science se réjouit de présenter ces analyses scientifiques importantes » a déclaré Brooks Hanson, rédacteur adjoint pour les sciences physiques de la revue Science. « Les premiers échantillons que les chercheurs ont pu collecter hors de la Terre ont été ceux de la Lune et leurs premières analyses avaient aussi été publiées par Science. Ces échantillons, ainsi que ceux plus récents d’une comète et du vent solaire, ont changé notre compréhension du système solaire et de la Terre. Ils continuent de donner des informations importantes. Ceux d’Hayabusa sont les premiers issus d’un astéroïde. Ils nous renseignent non seulement sur l’histoire de l’astéroïde Itokawa mais aussi, en apportant les données de terrain nécessaires uniquement possibles par les prélèvements directs, donnent plus de valeur à d’autres échantillons importants comme les collections de météorites et les matériaux pris sur la Lune. »
L’astéroïde ciblé par Hayabusa est rocheux, de type S, et ressemble à un bloc de gravats.
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Les observations faites à partir de la Terre laissaient penser aux chercheurs que ce type d’astéroïde, généralement situé dans le système solaire interne et la ceinture moyenne d’astéroïdes, est à l’origine de la plupart des météorites qui frappent régulièrement notre planète. Pourtant, le spectre de ces asteroides dans le visible ne correspondait jamais à celui des chondrites ordinaires, ce qui laissait planer un doute sur leur véritable origine. Le seul moyen de confirmer la relation directe entre météorites et ce type d’astéroïde de type S était de prélever physiquement le régolithe à la surface d’un astéroïde.
Tomoki Nakamura et ses collègues ont été parmi les premiers à analyser le matériau de surface, ou régolithe, ramené de l’astéroïde rocheux proche de notre planète 25143 Itokawa. Les chercheurs ont combiné l’utilisation de puissants microscopes électroniques et des techniques de diffraction des rayons X pour étudier la composition chimique de la poussière.
« Notre étude démontre que les particules rocheuses récupérées d’un astéroïde de type S sont identiques aux chondrites ordinaires, preuve que les astéroïdes sont bien des corps très primitifs de notre système solaire » indique Nakamura.
Les chercheurs ont aussi constaté que le régolithe d’Itokawa avait subi d’importants chocs thermiques et physiques. En se basant sur la taille de l’astéroïde, ils concluent qu’Itokawa est fait de petits fragments issus d’un astéroïde bien plus gros.
« Les particules prélevées sur l’astéroïde ont subi un chauffage sur le long terme d’environ 800 degrés » précise Nakamura. « Mais pour atteindre cette température, un astéroïde doit avoir environ 20 km de diamètre. L’astéroïde Itokawa étant bien plus petit, il a dû faire partie d’un corps plus gros qui a été brisé par un impact puis réassemblé sous sa forme actuelle. »
D’autres équipes de chercheurs, dont celle de Mitsuru Ebiha et ses collègues ont ensuite ouvert les minuscules grains de régolithe pour examiner les minéraux qu’ils contiennent. Leur composition montre qu’ils ont gardé la trace d’éléments des débuts du système solaire. Selon les chercheurs, cette composition en minéraux a pu être comparée à celle de dizaines de milliers de météorites tombées sur la Terre et corrélée avec le spectre dans la lumière visible d’autres astéroïdes.
Akira Tsuchiyma et ses collègues de l’Université d’Osaka à Toyonaka et d’autres collaborateurs du monde entier ont aussi analysé la structure tridimensionnelle des particules de poussière. Comme la poussière de la Lune est le seul autre type de régolithe extraterrestre que les chercheurs ont pu prélever directement par les missions Apollo et Luna, les chercheurs l’ont soigneusement comparée à celle de l’astéroïde Itokawa.
« Ce qui était drôlement bien avec l’analyse d’Itokawa c’est l’énorme quantité de données que nous avons pu tirer d’un échantillon aussi petit » ajoute Michael Zolensky du Centre spatial Johnson de la NASA à Houston, au Texas, l’un des c-auteurs de la recherche. « Lorsque les chercheurs ont analysé le régolithe de la Lune, il leur a fallu des kilos d’échantillons. Mais ces 40 dernières années, les experts ont mis au point des techniques pour analyser des échantillons extrêmement petits. Et maintenant nous avons obtenu toutes ces informations à partir de seulement quelques nanogrammes de poussières de l’astéroïde.
Selon les chercheurs, le régolithe d’Itokawa a subi sur l’astéroîde une érosion et des impacts en surface alors que le régolithe lunaire, qui a passé plus de temps exposé aux vents solaires et à l’usure de l’espace, a été plus altéré chimiquement.
Takaaki Noguchi de l’Université d’Ibaraki à Mito au Japon et ses collègues évoquent cette différence chimique pour expliquer pourquoi les astronomes n’ont jamais pu établir un lien définitif entre les chondrites ordinaires et les astéroïdes de type S par le passé.
« L’usure dans l’espace résulte de l’interaction entre la surface de corps sans air tels que les astéroïdes ou la Lune et les particules énergétiques dans l’espace » indique Noguchi. « Quand ces particules énergétiques, comme le vent solaire, le plasma éjecté par le Soleil ou les micrométéroïdes rapides frappent un objet, une partie se condense à la surface de cet objet. Dans le vide de l’espace, de tels dépôts peuvent créer de petites particules de fer qui affectent beaucoup le spectre dans la lumière visible de ces corps célestes vus de la Terre. »
Maintenant en revanche, au lieu d’utiliser des échantillons lunaires pour estimer l’usure due à l’espace d’un astéroïde, les chercheurs peuvent se tourner vers le régolithe d’astéroïde pour appréhender directement un tel processus.
Deux autres études dirigées respectivement par Keisuke Nagao de l’Université de Tokyo et Hisayoshi Yurimoto de l’Université d’Hokkaido à Sapporo au Japon ont aussi déterminé respectvement combien de temps le régolithe a été à la surface de Itokawa et établi un lien direct entre les isotopes d’oxygène des chondrites ordinaires et leur parent astéroïde de type S.
Selon les chercheurs, la poussière d’Itokawa est présente à sa surface depuis moins de huit millions d’années. Ils suggèrent que le régolithe d’astéroïdes aussi petits peut facilement partir dans l’espace et devenir des météorites qui arrivent ensuite sur la Terre.
« Cette poussière à la surface de l’astéroîde Itokawa va devenir une sorte de pierre de Rosette pour les astronomes » estime Zolensky. « Maintenant que nous comprenons de quoi est fait chimiquement l’échantillon ramené par Hayabusa, nous allons pouvoir comparer sa composition chimique avec les météorites qui sont tombés sur la Terre et essayer de déterminer de quels astéroïdes proviennent les chondrites. »
Source : Natasha Pinol – AAAS
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